Chapitre 1
Œsophage
1.1 Généralités : physiologie, symptômes et
moyens d’exploration
1.1.1 Connaître succinctement l’anatomie fonctionnelle de
l’œsophage
L’œsophage est un organe tubulaire revêtu d’un épithélium malpighien. Sa structure musculaire,
son innervation extrinsèque (pneumogastriques) et intrinsèque (plexus nerveux autonomes) per-
mettent la propulsion des aliments du pharynx vers l’estomac. L’élément principal s’opposant au
reflux du contenu gastrique est le sphincter inférieur de l’œsophage (SIO).
1.1.2 Connaître l’organisation schématique de la motricité
œsophagienne
A l’état de repos, l’œsophage n’est animé d’aucune contraction. Il est fermé à ses deux extrémités
grâce à la contraction tonique de ses sphincters, ce qui protège à la fois les voies aériennes supé-
rieures et le bas œsophage d’un reflux.
Au moment de la déglutition, immédiatement après le relâchement du sphincter supérieur de l’œso-
phage (SSO), une onde péristaltique parcourt l’œsophage de haut en bas à la vitesse de 3 à 4 cm/
sec (péristaltisme primaire). Le SIO se relâche avant même que l’onde péristaltique ne l’ait atteint.
Cette relaxation se termine par une contraction qui prolonge l’onde péristaltique.
Le contrôle de la motricité oesophagienne fait intervenir de façon coordonnée des muscles striés (partie haute
de l’oesophage) et des muscles lisses pour assurer l’alternance des phases d’ouverture et defermeture des
sphincters et la progression de la contraction péristaltique. La séquence péristaltique est sous la dépendance des
pneumogastriques ainsi que de l’innervation intrinsèque. Elle semble obéir à une programmation centrale au
niveau bulbo-p rotubérantiel (centre de la déglutition). Participent à la fois au tonus de repos du SIO des pro-
priétés propres des fibres musculaires de ce sphincter et une activité nerveuse excitatrice, essentiellement cho-
lin ergique. Sa relaxation est due à l’interruption de cette activité, à l’activité de certaines fibres vagales (non
adrénergiques, non cholinergiques) et à l’influence de nombreux agents (hormones, médiateurs chimiques, ali-
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ments...). Ainsi, la gastrine augmente son tonus et la cholécystokinine l’abaisse.
1.1.3 Enumérer les principaux signes d’appel vers une
maladie œsophagienne
Ce sont : la dysphagie, les régurgitations (à distinguer du vomissement, du mérycisme ou rumina-
tion et de la pituite), le pyrosis souvent associé à une sensation d’aigreur, les éructations, les brû-
lures épigastriques, une hémorragie digestive extériorisée ou une anémie microcytaire
hyposidérémique, une altération de l’état général (anorexie, amaigrissement), un « ganglion » sus
claviculaire gauche (Troisier). Il peut aussi s’agir de signes extra-digestifs tels que des douleurs
thoraciques de type angineux, des symptômes respiratoires postprandiaux ou nocturnes (toux, dys-
pnée asthmatiforme...) et de symptômes ORL divers (enrouement et dysesthésie bucco-pharyn-
gée).
1.1.4 Définir et reconnaître la dysphagie
La dysphagie est une sensation de gêne ou d’obstacle à la déglutition des aliments. Elle
est différente de l’odynophagie (douleur ressentie lors de la progression des aliments
dans l’oesophage, sans arrêt de l'alimentation) et de la sensation de striction cervicale
généralement liée à l’anxiété, qualifiée de « globus hystericus ». Il peut être difficile de la
distinguer de l’anorexie (perte d’appétit), surtout lorsqu’elle porte de façon élective sur
certains aliments (viande).
1.1.5. Citer les principaux éléments de l’analyse sémiologique d’une
dysphagie
Ce sont : la localisation rétrosternale de la gêne, l’électivité pour les solides (dysphagie
des sténoses organiques) ou associée à celle des liquides (dysphagie paradoxale et
d’évolution capricieuse), les modes de début (brutal ou non) et d’évolution (progression
plus ou moins rapide, intermittence) et les symptômes associés (amaigrissement,
régurgitations, signes de reflux gastro-oesophagien [RGO], signes ORL et/ou
respiratoires).
1.1.6. Connaître la valeur sémiologique de la dysphagie et les premiers
examens utiles au diagnostic
La valeur sémiologique de la dysphagie est grande. Une fois écartées les causes ORL et
neurologiques en cas de dysphagie haute, ce symptôme relève pratiquement toujours
d’une obstruction organique ou de troubles moteurs de l’oesophage, parfois d’une lésion
gastrique atteignant le cardia.
Dans tous les cas, il importe de réaliser en premier lieu une endoscopie oesophagienne
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qui permettra de pratiquer des biopsies en cas de lésion. Si l’examen endoscopique est
normal, le transit baryté de l’oesophage et surtout la manométrie oesophagienne seront
indiqués pour rechercher des troubles moteurs.
1.1.7. Connaître les causes les plus fréquentes d’une dysphagie
d’origine oesophagienne
1.1.7.1. Lésions de l’oesophage :
- sténoses tumorales : cancer épidermoïde de l’oesophage ou plus rarement
adénocarcinome de l’oesophage ; de façon exceptionnelle les autres tumeurs malignes
(sarcome et mélanome) ou bénignes (léiomyome) et les tumeurs extrinsèques
(ganglionnaire, bronchique, médiastinale) ;
– sténoses non tumorales dues le plus souvent à une oesophagite peptique, à une
oesophagite caustique ou radique et beaucoup plus rarement à une compression
extrinsèque (adénopathie, arc aortique...) ;
– oesophagites non sténosantes d’origine médicamenteuse ou infectieuse (surtout
Candida albicans) au cours desquelles le symptôme prédominant est en fait
l’odynophagie.
1.1.7.2. Anomalies motrices :
– primitives telles que l’achalasie (synonymes : cardiospasme, méga-oesophage
idiopathique), la maladie des spasmes diffus de l’oesophage ou un oesophage casse-
noisettes
;
– ou observées au cours du RGO, de certaines collagénoses (sclérodermie) et de
nombreuses maladies touchant l’innervation ou la musculature oesophagienne.
1.1.8. Indiquez les méthodes d’exploration morphologique de
l’oesophage
L’examen endoscopique de l’oesophage est la méthode la plus performante.
Particulièrement appropriée au diagnostic des tumeurs endoluminales et des
oesophagites, l’endoscopie permet à la fois une étude précise de la muqueuse et la
réalisation de prélèvements biopsiques. En cas d’hémorragie digestive, cet examen doit
être pratiqué en urgence.
Le transit baryté de l’oesophage est pratiqué en deuxième intention ou dans les cas
d’endoscopie impossible ou incomplète (sténose infranchissable). Il peut également
s’avérer utile pour objectiver une compression extrinsèque, l’importance de la dilatation
en
cas de méga-oesophage, ainsi que pour préciser la topographie et l’étendue d’un cancer
de l’oesophage.
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La tomodensitométrie (TDM) thoracique permet d’étudier par des coupes axiales
transverses l’extension pariétale, médiastinale et ganglionnaire des cancers.
L’échoendoscopie explore encore plus finement la paroi oesophagienne, précisant
l’atteinte des différentes couches, et des structures péri-oesophagiennes. Elle apprécie
l’extension pariétale des tumeurs, détecte les adénopathies métastatiques et différencie
les lésions sous-muqueuses intramurales des compressions extrinsèques. L’existence
d’une sténose en limite les performances.
1.1.9. Connaître les indications de la manométrie et de la pH-métrie
oesophagiennes
La manométrie oesophagienne enregistre la pression de repos du SIO et sa relaxation lors de la dé-
glutition ainsi que le péristaltisme au niveau du corps de l’oesophage. C’est l’examen clé pour le
diagnostic de troubles moteurs de l’oesophage. Elle n’est pas utilisée pour établir le diagnostic de
RGO. Elle est recommandée en cas d’indication opératoire pour un reflux.
La pH-métrie oesophagienne se fait au moyen d’une électrode placée 5 cm au-dessus du
SIO et maintenue pendant 24 heures. Elle quantifie le RGO acide dont le pourcentage
normal de temps passé en dessous de pH 4 est inférieur à 5 %. Elle n’a pas d’indication
lorsque les symptômes de reflux sont typiques. Elle est en revanche utilisée pour rapporter
des symptômes atypiques à un reflux pathologique lorsque l’examen endoscopique est
négatif ou en cas d’échec thérapeutique. Elle est en général pratiquée lorsqu’une
indication opératoire pour RGO est posée.
1.2. Reflux gastro-oesophagien et endobrachyoesophage
1.2.1. Définir le RGO pathologique
Le RGO correspond au passage d’une partie du contenu gastrique dans l’oesophage. Un
RGO physiologique existe chez tous les sujets. On appelle par convention RGO le reflux
pathologique, caractérisé par des symptômes et/ou des lésions désignées sous le terme
d’oesophagite. Le reflux du contenu gastrique est alors dans la majorité des cas
anormalement fréquent et/ou prolongé. Il résulte d’une anomalie presque toujours
idiopathique de la motricité oesophagienne. Les symptômes peuvent évoluer sans lésions
; plus rarement, un RGO ayant provoqué une oesophagite peut être asymptomatique.
1.2.2. Définir la hernie hiatale
La hernie hiatale est la protrusion d’une partie de l’estomac dans le thorax à travers le
hiatus oesophagien du diaphragme. C'est une cause favorisant le RGO.
1.2.3. Connaître les causes favorisant le RGO
La physiopathologie du RGO est multifactorielle mais fait intervenir principalement une
défaillance du SIO. La hernie hiatale n’est ni nécessaire ni suffisante, un RGO pouvant
exister sans hernie hiatale. Le mécanisme le plus fréquent du RGO est un nombre excessif
de relaxations transitoires du SIO qui se produisent en dehors des déglutitions. Les
formes les plus sévères du RGO sont associées à une pression du SIO effondrée.
1.2.4. Décrire les signes fonctionnels du RGO
Le pyrosis (brûlure rétrosternale ascendante) et les régurgitations acides (remontées sans
nausées du contenu gastrique jusqu’au niveau pharyngé) sont des symptômes quasi
pathognomoniques de RGO. Leur caractère postural, post-prandial, est très évocateur.
Des brûlures épigastriques sans trajet ascendant font partie des symptômes de RGO.
Plus rarement, des accès de toux ou une dyspnée asthmatiforme, souvent nocturnes, des
symptômes pharyngés ou laryngés (enrouement, dysesthésies buccopharyngées) peuvent
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La manométrie oesophagienne n’objective p as le RGO mais des facteurs favorisant comme
l’effondrement de la pression du SIO. Son intérêt principal est d’objectiver des anomalies motrices
associées au RGO.
1.2.6. Indiquer la conduite du diagnostic en présence de symptômes de
RGO
Avant 50 ans, en présence de symptômes typiques et s’il n’existe pas de signe d’alarme
(dysphagie, amaigrissement, anémie), aucun examen complémentaire n’est nécessaire.
Si les symptômes de RGO sont atypiques, l’endoscopie est indiquée en première
intention. Elle permet le diagnostic lorsqu’elle découvre une oesophagite. En l’absence
d’oesophagite et lorsque les symptômes sont atypiques ou résistent au traitement médical,
une pH-métrie est indiquée pour faire le diagnostic de reflux acide pathologique.
Après 50 ans, on préconise d’emblée de procéder à une endoscopie haute afin de ne pas
méconnaître une autre cause, une lésion associée ou un endobrachyoesophage.
1.2.7. Connaître les risques évolutifs du RGO
Dans l’immense majorité des cas, le RGO est une affection sans gravité et qui le reste au
cours de son évolution.
Les oesophagites sévères se caractérisent par des ulcérations superficielles étendues,
confluentes ou circonférentielles, par un ou des ulcères de l’oesophage, ou par une
sténose peptique. L’oesophagite sévère expose au risque d’hémorragie digestive et de
sténose oesophagienne. Ces complications sont parfois révélatrices du RGO.
1.2.8. Définir l’endobrachyoesophage
L’EBO (ou oesophage de Barrett) est défini par le remplacement, sur une hauteur plus ou moins
grande, de l’épithélium malpighien de l’oesophage distal par un épithélium métaplasique cylindrique de type
fundique, cardial ou intestinal. Il n’a pas de symptôme spécifique. Il expose au risque d’ulcère au sein de cette
muqueuse pathologique et surtout au risque d ’adénocarcinome oesophagien en cas de métaplasie intestinale.
1.2.9. Connaître les principes du traitement médical du RGO
Le but du traitement est principalement de soulager la douleur et de permettre au
malade un retour à une vie normale. La neutralisation du contenu acide (antiacides),
l’inhibition de la sécrétion gastrique acide (par les antagonistes des récepteurs H 2 de
l’histamine (anti-H 2 ) et les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), la protection de la
muqueuse oesophagienne (alginates) et la stimulation de la motricité oeso-gastrique
(cisapride) sont utilisés seuls ou en association, à la demande ou au long cours. La
réduction pondérale, l’arrêt du tabac et de l’alcool sont également utiles. La surélévation
de la tête du lit est une mesure utile pour le RGO nocturne.
1.2.10. Connaître les principes du traitement de l’oesophagite en
fonction de sa sévérité
Les oesophagites ont pour traitement initial les antisécrétoires (IPP ou anti-H 2 ). Les
récidives à l’arrêt du traitement antisécrétoire sont d’autant plus fréquentes que
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en être les manifestations, isolées ou associées aux symptômes précédents.
1.2.5. Indiquer l’utilité des différents examens complémentaires
Il s’agit d’examens morphologiques et d’explorations fonctionnelles. L’endoscopie permet
d’affirmer le diagnostic de RGO lorsqu’elle découvre une oesophagite définie par des
pertes de substance au moins épithéliales (érosives), rarement profondes (ulcéreuses).
L’examen est cependant normal environ une fois sur deux au cours des RGO
symptomatiques.
La pH-métrie oesophagienne des 24 heures est l’exploration fonctionnelle la plus sensible
pour diagnostiquer un RGO.
Œsophage
l’oesophagite était plus sévère. Ces récidives posent le problème de l’alternative entre
traitement médical au long cours et chirurgie. Les IPP représentent le traitement
médical au long cours des oesophagites sévères (grades III et IV). La nécessité d’un
traitement médical au long cours ou ses insuffisances représentées par les
régurgitations font discuter une indication chirurgicale.
1.2.11. Décrire le principal signe fonctionnel d’une sténose peptique de
l’oesophage
C’est la dysphagie. Elle peut être révélatrice du RGO, c’est-à-dire ne pas avoir été
précédée par des épisodes de pyrosis.
1.2.12. Enumérer les traitements des sténoses peptiques.
En plus du traitement par les IPP, on dispose des dilatations instrumentales
perendoscopiques. Une intervention chirurgicale antireflux doit être discutée en cas
d’échec de la stratégie médicale.
1.2.13. Principes de la chirurgie du RGO
La chirurgie a pour but de réaliser un montage antireflux en restaurant des conditions
anatomiques qui s’opposent au RGO. En pratique, la fundoplicature selon le procédé de
Nissen est la technique la plus utilisée.
1.3. Achalasie
1.3.1. Connaître la définition de l’achalasie
L’achalasie, étymologiquement absence d’ouverture du sphincter, est un trouble moteur
primitif de l’oesophage défini par une absence du péristaltisme du corps de l’oesophage et
par une relaxation du SIO absente ou incomplète lors de la déglutition.
1.3.2. Connaître les arguments cliniques et paracliniques en faveur
d’une achalasie
Au début de la maladie, le signe révélateur habituel est la dysphagie. Elle peut être très
modérée. La dysphagie est évocatrice de l’achalasie quand elle est paradoxale, affectant
électivement les liquides, et capricieuse, survenant de façon intermittente et inopinée, ou à
la suite d’une émotion et cédant lors de manoeuvres inspiratoires ou de changements de
position. Plus rarement, la maladie se révèle par des douleurs rétrosternales constrictives,
pseudo-angineuses mais non liées à l’effort. Paradoxalement, à ce stade débutant de la
maladie, l’endoscopie digestive haute est normale.
A un stade plus évolué, la dysphagie perd ses caractères évocateurs d’un trouble moteur.
Des régurgitations surviennent parfois durant la nuit, sont à l’origine de complications
respiratoires et peuvent faire orienter à tort vers un RGO. Elle peut entraîner une
dénutrition.
1.3.3. Connaître les principales anomalies manométriques de l’achalasie
Au cou rs de l’achalasie, diverses perturbations motrices plus ou moins caractéristiques peuvent être mises en
évidence par la manométrie. Le critère obligatoire du diagnostic est l’absence de péristaltisme dans le corps de
l’oesophage. Des contractions non propagées mais d’amplitude très importante s’observent dans l’achalasie vi-
goureuse. Il existe fréquemment une hypertonie du SIO ainsi qu’u ne absence ou un défaut de relaxation de ce
sphincter, mais ces critères peuvent manquer au stade initial.
1.3.4. Connaître le principal diagnostic différentiel de l’achalasie
L’endoscopie doit toujours être réalisée en première intention pour écarter une affection cancéreuse, notam-
ment du cardia. Une tumeur infiltrante du cardia peut être à l’origine de perturbations motrices très voisines de
celles de l’achalasie ; on parle alors de pseudo-achalasie néoplasique.
1.3.5. Description schématique des autres troubles moteurs de l’oesophage
En dehors de l’achalasie, les troubles moteurs oesophagiens (enregistrés par manométrie) considérés comme
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primitifs comprennent la maladie des spasmes diffus de l’oesophage et l’oesophage casse-noisettes. Dans la
maladie des spasmes diffus de l’oesophage, plus de 10 % des ondes enregistrées au niveau du corps de l’oeso-
phage sont anormales, non propagées, amples et répétitives, et alternent avec un péristaltisme normal. L’oeso-
phage casse-noisettes comporte des ondes péristaltiques anormales, prolongées et de grande amplitude
prédominant dans la partie distale de l’oesophage. Au cours de ces deux affections, le fonctionnement du SIO
est normal.
Les troubles moteurs oesophagiens dits « secondaires » peuvent être observés au cours des collagénoses (sclé-
rodermie), du diabète, de l’amylo se et de nombreuses affections du système n erveux central ou périphérique.
C’est également dans ce groupe que se situent les achalasies secondaires à une infiltration néoplasique ou à une
parasitose à Trypanosoma cruzi (maladie de Chagas).
1.3.6. Connaître les principes du traitement de l’achalasie
Le traitement a pour objectif de diminuer la pression du SIO par section chirurgicale
(myotomie extramuqueuse), par dilatation pneumatique sous endoscopie, ou par action
pharmacologique (dérivés nitrés par voie sublinguale, infiltration intrasphinctérienne de
toxine botulique) pour permettre la vidange de l’oesophage sans provoquer de RGO.
La dilatation pneumatique réalisée par voie endoscopique et le traitement chirurgical sont
les méthodes principales. Leur efficacité est comparable, jugée excellente ou bonne dans
plus de trois quarts des cas. Leurs complications sont rares, respectivement la perforation
de l’oesophage et l’oesophagite par reflux. Leur mortalité est quasi nulle.
1.4. Cancer de l’oesophage
1.4.1. Cancer épidermoïde de l’oesophage : définition, fréquence, facteurs épidémiologiques et
étiologiques
La majorité des cancers de l’oesophage sont des cancers épidermoïdes. Comme les autres cancers
des voies aérodigestives supérieures, ils se développent à partir de l’épithélium malpighien. L’in-
cidence est d’environ 5 000 cas par an en France. Elle est plus élevée dans les régions de l’Ouest
où les rôles primordiaux de l’alcool et du tabac ont été démontrés. Ce cancer atteint surtout les
hommes (sex-ratio : 12), souvent âgés (âge moyen : 65 ans).
Dans les régions du monde de très forte incidence (Asie, Afrique du Sud), des facteurs carentiels semblent in-
tervenir et la répartition est identique selon le sexe. On connaît également certains états pathologiques de l’oe-
sophage prédisposant à ce type de cancer : oesophagite caustique, achalasie du cardia...
1.4.2. Adénocarcinome de l’oesophage : définition, fréquence, facteurs
épidémiologiques et étiologiques
Il représente actuellement 20 % des cancers de l’oesophage, les autres étant des cancers
épidermoïdes. Son incidence est en augmentation dans plusieurs pays, dont la France. Le
seul facteur étiologique bien démontré est l’EBO ou oesophage de Barrett (pour sa
définition, voir 1.2.8.).
On estime que l’adénocarcinome se développe chez environ 10 % des sujets atteints
d’EBO. Les hommes sont dix fois plus exposés que les femmes. Dans la plupart des cas,
l’EBO n’était pas connu avant que le cancer ne se développe.
1.4.3. Connaître les circonstances révélatrices du cancer de
l’oesophage et la place de l’endoscopie
Tout signe d’appel oesophagien ou thoraco-respiratoire peut révéler un cancer de
l’oesophage ; il s’agit très souvent alors d’une forme invasive de mauvais pronostic. La
dysphagie est le symptôme dominant, habituellement élective pour les solides,
d’apparition récente et d’évolution progressive, entraînant un état de dénutrition.
Les autres symptômes, rarement isolés et plus tardifs, sont la traduction d’une lésion évoluée ou d’une compli-
cation : douleur thoracique, infection bronchopulmonaire par fausse route ou fistulisation de la tumeur dans
l’arbre respiratoire, dyspnée inspiratoire par compression trachéale, dysphonie par atteinte des nerfs récurrents
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(gauche le plus souvent), syndrome de Claude Bernard-Horner par lésion du sympathique cervical, compres-
sion cave ou péricardite. L’hémorragie massive par érosion de gros vaisseaux et l’anémie d’origine inflamma-
toire ou par saignement occulte sont rares.
En l’absence de tout symptôme oesophagien, le diagnostic peut être porté à un stade de
début de la croissance tumorale à l’occasion d’une endoscopie chez les sujets atteints
d’une néoplasie ORL ou faite pour une autre raison.
Quelles que soient les circonstances de découverte, le diagnostic repose sur l’endoscopie
et les prélèvements biopsiques qui précisent le type histologique. Le transit baryté permet
de déterminer l’étendue de la lésion et sa topographie.
1.4.4. Connaître les aspects endoscopiques du cancer de l’oesophage
Dans les formes évoluées, l’aspect est généralement très caractéristique : ulcération plus ou moins anfractueuse
à fond blanchâtre entourée d’un bourrelet irrégulier dur au contact de la pince, lésion végétante irrégulière fria-
ble et hémorragique obstruant plus ou moins la lumière ou rétrécissement infranchissable.
L’endoscopie doit mesurer dans tous les cas la distance entre le pô le supérieur de la lésion néoplasique et la
bouche de Killian et rech ercher un ou des nodules de perméation ou un foyer de dysplasie en amont de la tu-
meur.
Les lésions limitées sont de d iagnostic plus difficile mais doivent être bien connues car elles permettent le dia-
gnostic au stade de cancer non invasif, seule forme susceptible de guérir. Il peut s’agir d’un e plage de muqueuse
discrètement surélevée ou au contraire érodée, d’un simple dépoli avec changement de coloration et de brillan-
ce de la muqueuse, ou d’u n petit nodule.
Il est toujours nécessaire d’obtenir une confirmation anatomopathologique par plusieurs
prélèvements biopsiques ou un frottis réalisé à partir des éléments du brossage d’une
sténose infranchissable.
1.4.5. Connaître les principaux éléments du bilan d’extension et
d’opérabilité d’un cancer de l’oesophage
• L’extension locorégionale est recherchée par :
- l’examen ORL, principalement pour détecter une atteinte du nerf récurrent gauche en
même temps qu’une éventuelle lésion néoplasique concomitante des voies aériennes
supérieures ;
- l’endoscopie trachéobronchique (pour les cancers des tiers supérieur et moyen), qui
permet d’affirmer une extension à l’arbre respiratoire lorsqu’elle montre un aspect végétant
ou infiltrant ou encore une fistule. Un simple refoulement trachéal ou bronchique ne préjuge
pas de l’envahissement pariétal ;
- la TDM, qui permet d’évaluer l’extension médiastinale ;
- l’échoendoscopie, qui permet un bilan plus précis de l’extension pariétale et
médiastinale que la TDM.
L’échoendoscopie permet de distinguer les lésions purement sous-muqueuses (T1) des lésions infiltrant la mus-
culeuse (T2), la graisse médiastinale (T3) ou les organes de voisinage (T4). Elle peut aussi préciser l’existence
d’adénopathies sans toutefois affirmer à coup sûr leur envahissement cancéreux.
Dans ces cas, une ponction sou s échoendoscopie à travers la paroi de l’oesophage est possible.
• L’extension lymphatique est recherchée par l’examen physique (ganglion de Troisier),
par l’échographie (recherche d’adénopathies cervicales et coeliaques) et
l’échoendoscopie (recherche d’adénopathies médiastinales).
• Les métastases viscérales sont recherchées par une radiographie pulmonaire de face et
de profil, une échographie hépatique et éventuellement un examen tomodensitométrique
thoracique et abdominal.
• La synthèse du bilan d’extension est faite actuellement dans le cadre de la classification
TNM.
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• Le bilan d’opérabilité consiste à apprécier principalement :
- le retentissement nutritionnel, jugé surtout sur l’amaigrissement ;
- l’âge ;
- la fonction hépatique ;
- la fonction respiratoire.
1.4.6. Connaître les principes du traitement à visée curative du cancer
de l’oesophage
Le traitement à visée curative reste basé sur l’exérèse chirurgicale, mais la
radiochimiothérapie est une alternative en cours d’évaluation. L’exérèse complète de la
tumeur doit passer 5 cm au-dessus du pôle supérieur de la tumeur, comprendre l’ablation
des tissus péritumoraux et un curage lymphatique. Différentes voies d’abord sont
possibles (avec ou sans thoracotomie) et le remplacement de l’oesophage réséqué est
généralement réalisé au moyen d’une plastie gastrique.
Le traitement chirurgical n’est possible que chez les malades capables de supporter cette
intervention (âge, état général, fonctions respiratoire, cardiaque et hépatique) et dont la
tumeur ne comporte pas d’envahissement des structures adjacentes ni de métastases.
Une radiochimiothérapie préopératoire est proposée par certains auteurs car elle
augmente les taux de résécabilité et permet même d’obtenir (dans un tiers des cas) une
stérilisation tumorale préopératoire et sur les pièces d’exérèse. Ce résultat n’a pas
coïncidé avec une amélioration de la survie.
La radiothérapie endoluminale et la destruction tumorale par photocoagulation laser,
plasma-argon ou photothérapie dynamique peuvent être envisagées à titre de traitement
curatif dans les formes superficielles ne dépassant pas la sous-muqueuse (avec un risque
de 10 % de laisser évoluer des métastases ganglionnaires).
1.4.7. Connaître les principales méthodes thérapeutiques palliatives
Elles ont pour but de restaurer et de maintenir une filière oesophagienne suffisante et
d’éviter la gastrostomie. Ces méthodes sont essentiellement endoscopiques : dilatations
endoscopiques itératives, intubation endoscopique transtumorale, désobstruction par
photocoagulation ou électrocoagulation.
On peut aussi entreprendre à titre palliatif une radiothérapie et/ou une chimiothérapie en
association ou non avec une méthode endoscopique. Ces méthodes sont proposées en
cas de contre-indication chirurgicale, en cas de contre-indication à la radiochimiothérapie,
ou dans les formes d’emblée très évoluées ainsi que dans les récidives. Elles permettent
d’améliorer la qualité de la survie.
1.4.8. Connaître le pronostic du cancer de l’oesophage en fonction de
son extension
Toutes formes confondues, la survie à un cancer de l’oesophage est inférieure à 10 % à 5
ans.
Outre l’envahissement pariétal, l’envahissement ganglionnaire joue un rôle important : 25
% de survie à 5 ans en son absence et 10 % de survie à 5 ans en présence d’un
envahissement ganglionnaire.
En présence de métastases (les ganglions sus-claviculaires et coeliaques sont considérés
comme des métastases), la survie à 5 ans est nulle.
1.5. Divers
1.5.1. Connaître les principaux agents responsables de l’oesophagite caustique et les principes de
sa prise en charge thérapeutique
Œsophage
Les principaux agents sont les bases (nécrose liquéfiante étendue en profondeur), les acides (lésions de nécrose
plus sévères au niveau de l’estomac). Certaines bases sont associées à un agent tensioactif (nécrose très sévère)
ou liquides (lésions respiratoires associées).
L’ingestion de caustiques impose une hospitalisation d’urgence. Il faut éviter toute manoeuvre consistant à fai-
re vo mir, à laver le tractus digestif supérieur ou à administrer des produits neutralisants.
On doit en revanche nettoyer la bouche, calmer l’agitation du patient et corriger l’hypovolémie. Le bilan initial
comporte la recherche de troubles hydroélectrolytiques ou de l’équilibre acido-basique, un examen ORL et une
radiographie pulmonaire. Un e endoscopie oesogastroduodénale pratiquée le plus rapidement possib le permet
de classer les lésions en trois stades de gravité croissante : inflammation ou oedème, ulcération et nécrose. Cette
classification a une excellente valeur pronostique et permet de guider le traitement. L’alimentation peut être
reprise rapidement au stade I ; elle doit être remplacée par une alimentation parentérale associée à une antibio-
thérapie en cas de lésions ulcérées (stade II) qui seront responsables de séquelles sténosantes près d’une fois
sur deux. Au stade III, si la nécrose est diffuse, une exérèse oesophagienne et/ou gastrique doit être pratiquée
en urgence. La mo rtalité est importante.
1.5.2. Connaître les caractères topographiques et les principes du traitement des diverticules de
l’oesophage
Le diverticule pharyngo-oesophagien ou diverticule de Zenker est un diverticule de pulsion résultant de la pro-
trusion de la muqueuse au travers de la paroi postérieure de la jonction pharyngo-oesophagienne, en amont du
SSO (muscle cricopharyngien) ; ce n’est donc pas un diverticule proprement oesophagien.
Lorsq u’il est volumineux et symptomatique, ce diverticule requiert une intervention en raison du risque de
complications respiratoires. Il faut en faire l’exérèse, associée dans certains cas à une myotomie du muscle cri-
copharyngien.
Le diverticule du tiers moyen de l’oesophage est dû à la traction de la paroi oesophagienne par un processus
inflammatoire ganglionnaire, généralement tuberculeux. De petite taille et à large base d’implantation, il ne
donne lieu à aucun trouble et ne nécessite aucune thérapeutique.
Le diverticule épiphrénique se développe selon un mécanisme voisin du diverticule de Zenker dans la partie
distale de l’oesophage. Ses symptômes et son traitement se confondent généralement avec ceux du trouble mo-
teur oesophagien associé.
1.5.3. Connaître les causes principales des oesophagites non peptiques (infectieuses, médicamen-
teuses, inflammatoires)
Les oesophagites n on peptiques peuvent être d’origine infectieuse (Candida albicans, Cytomégalovirus
[CMV], Herpès simplex v irus [HSV]) prin cipalement au cours du SIDA.
Elles peuvent aussi être médicamenteuses, dues à une lésion par contact direct prolongé entre le comprimé ou
la gélule (cyclines, chlorure de potassium, aspirine et anti-inflmmmatoire non stéroïdiens [AINS]) et la mu-
queuse oesophagienne. Elles provoquent une odynophagie ou u ne dysphagie qui dure quelques jours et dispa-
raît spontanément.
Elles peuvent être dues également à une maladie inflammatoire (Crohn) ou à la stase alimentaire dans les trou-
bles moteurs oesophagiens et au cours des sténoses organiques.
16/192 Objectifs en Hépato-Gastro-Entérologie - Collégiale des Hépato-gastroentérologues 1999
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